Aujourd’hui, je vous invite à la découverte de Maxime Crozet, photographe globetrotteur. Si vous voulez suivre son travail, vous pouvez le retrouver:
Bonjour Maxime,
Peux-tu te présenter en quelques lignes, comme photographe, mais pourquoi pas sur ta vie en dehors de la photographie?
Bonjour Gregory. J’ai 32 ans, je suis originaire de la Loire et je vis actuellement à Lyon. Je travaille comme technicien dans le domaine de l’Audiovisuel. Par ailleurs, j’accorde beaucoup de temps à mes passions comme la musique, la lecture… et la route. J’ai toujours été animé par un esprit d’indépendance et de liberté. Ma pratique de la photographie n’est pas très régulière; je fais des photos essentiellement lorsque je suis en voyage. C’est un outil qui me permet d’affiner mon regard et d’apporter une part de témoignage dans ce monde en mutation permanente.

Tout droits réservés à Maxime Crozet
Peux-tu nous raconter comment la photographie est entrée dans ta vie ?
J’ai commencé à m’intéresser progressivement à la photographie lors de mes escapades en solitaire, et de manière plus approfondie à la suite de mon premier voyage autour du monde, qui a duré deux ans. Je cherchais un moyen pour faire partager quelques fragments de ces expériences. Je lisais beaucoup de récits, de la littérature de voyage. Peu à peu, je me suis intéressé à une autre forme d’écriture: celle qui consiste à écrire avec la lumière.
J’ai utilisé mon premier boîtier reflex en 2011, lorsque je suis reparti sur les routes pour deux nouvelles années consécutives. La photographie me permet d’aller à l’essentiel, par le cadre qui définit les limites de l’image, le hasard des prises de vue, la lumière naturelle, la simplicité du noir et blanc, la sélection d’une série… Elle aide aussi à se dépasser pour se confronter aux autres. J’ai tendance à tendre vers le minimalisme lorsque je pars; je n’emporte avec moi qu’un petit sac à dos d’environ 30 litres qui contient un sac de couchage, une tenue de rechange et mon appareil photo. Je marche beaucoup au bord des routes et dans les lieux que je visite. Après chaque retour, j’ai très vite envie de repartir, afin d’approfondir ma connaissance du monde. En tout cas, c’est devenu un bon prétexte pour renouveler mes départs, d’autant plus que ma soif de voyages ne semble pas s’étancher.

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Quelles sont tes spécialités photographiques ?
Je ne suis spécialiste dans aucun domaine; ma pratique photographique évolue continuellement et est indissociablement liée à mes expériences. La photographie de voyage, le reportage et le portrait en particulier, sont mes domaines de prédilection. Je m’intéresse au réel et aux habitants des régions que je traverse. Je suis assez fasciné par les visages. Les rencontres sont le coeur et le moteur de mes projets. J’aime saisir des portraits au naturel et les scènes de la vie quotidienne. En revanche, je n’aime pas trop me faire remarquer et bien souvent, mon boîtier reste au fond du sac, par crainte de déranger, de m’immiscer ou d’altérer la puissance d’une situation, d’une présence. J’ai besoin de me sentir à l’aise pour le sortir et d’un petit déclic avec les personnes que je souhaite photographier, afin qu’elles aussi se sentent en confiance. Ce sont souvent les autres qui viennent à moi, mais il est parfois intéressant de « provoquer » la rencontre. J’étais auparavant très focalisé sur les regards. Je tente désormais d’élargir un peu plus mon champ de vision, afin de laisser d’autres détails intégrer le cadre.

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Tes missions photographiques t’entraînent aux quatre coins de la planète, mais y a-t-il un endroit que tu affectionne particulièrement.
Je ne suis pas « missionné » pour partir et faire des images. Cela relève de projets et d’initiatives purement personnels (et autofinancés). C’est une question à laquelle j’ai toujours du mal à répondre, car presque chaque lieu m’apporte l’envie d’y retourner pour mieux le comprendre. Ce que je préfère, c’est être sur la route en évoluant lentement, car c’est l’essence même de mes départs. La route est l’élément qui relie les hommes entre eux. Je suis rentré tout récemment du Pakistan; ce pays m’a profondément marqué par la gentillesse et la diversité de sa population et l’incroyable beauté de ses montagnes. Je m’intéresse, entre autres, aux régions enclavées et à tous les en- droits où l’on peut lire sur les visages.

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Dans tout ton matériel photo, as-tu un objet porte bonheur, ou un objet qui t’est précieux?
Je possède peu de matériel. Par souci de légèreté, de discrétion et afin de m’approcher au plus près de mes sujets, je n’emporte avec moi qu’un boitier et deux petits objectifs à focale fixe (un 50mm et un grand angle). Je n’ai pas de porte bonheur en particulier. Mais je n’oublie jamais mon petit chiffon microfibres, très utile pour éliminer la poussière des chemins parcourus et des étendues terreuses.

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Parmi tes photos, si tu ne devais en retenir qu’une seule, peux-tu nous présenter ta photo préférée et nous raconter son histoire?
Mes photos préférées sont peut-être celles que je n’ai pas osé faire. Néanmoins, une image que je retiens est celle de cet homme à Taipei, dans un marché de nuit. J’aime bien l’atmosphère qui s’en dégage. Le hasard a fait que j’ai déclenché au moment où il a relevé la tête, comme s’il s’évadait un très court instant durant son travail. La fumée, l’éclairage et les deux ombres qui composent l’image renforcent le caractère intime de ce portrait.

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Quelle serait la prochaine photo que tu aimerais faire ?
Je ne sais jamais à l’avance quelle photo je vais réaliser, mais ce serait sans doute une image porteuse de sens et qui puisse s’intégrer naturellement dans un propos ou dans une nouvelle série. Une photo qui n’a pas forcément besoin d’explications pour que le lecteur la comprenne.

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Peux-tu nous parler de ta dernière série photo « Xinjiang, identités en sursis » réalisée tout récemment?
La région du Xinjiang se situe à l’extrême ouest de la Chine. J’ai traversé cette province lors de mon dernier périple qui m’a mené de la mer Caspienne, au Kazakhstan, jusqu’au Pakistan. J’aime bien aller dans les endroits dont on parle peu et je m’intéresse tout naturellement aux minorités dans les régions que je traverse. La situation actuelle au Xinjiang, qui rappelle celle du Tibet, ne m’a pas laissé indifférent. La répression contre les Ouïghours et les moyens mis en oeuvre pour contrôler les populations locales sont impressionnantes. Les quartiers traditionnels sont en train d’être rasés pour être remplacés par des constructions chinoises, les civils sont enrôlés dans la répression au nom de la sécurité… Il n’est pas évident de s’y déplacer de manière indépendante, car il faut passer des contrôles, franchir des checkpoints et répondre à des interrogatoires à longueur de journée.
J’ai eu la chance de pouvoir m’immerger dans la culture locale, grâce aux rencontres du hasard et à l’hospitalité remarquable des habitants. Dans cette série, j’ai tenté de mettre en lumière quelques visages de ces confins de l’Asie centrale, en essayant d’être au plus près de mes sujets, de saisir quelques instants d’harmonie, pour retranscrire une certaine douceur qui se dégage de ces ex- pressions. J’aime bien le noir et blanc pour sa simplicité et sa valeur intemporelle.

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Imagine que l’on te donne un crédit illimité, quel projet photographique, dingue ou plus sage, aimerais-tu réaliser?
Certainement un projet au long cours, une aventure qui me permettrait de documenter au mieux mon sujet. J’aimerais réaliser quelque chose qui se rapporte aux notions de confins, de marges, de frontières, d’identités. Aux quatre coins du monde ou à côté de chez moi, ce sont des réflexions que je souhaiterais développer dans ma pratique photographique. J’aime aussi les jolis tirages et les beaux-livres.

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Peux-tu nous raconter un de tes meilleurs souvenir pendant une séance photo et pourquoi pas également le pire?
Heureusement, il y a plus de bons souvenirs que de mauvais, comme ces simples moments de partage, lorsque la personne en face de soi nous offre spontanément une partie d’elle-même. Le pire, peut-être lorsque je me retrouve dans des conditions idéales pour saisir une scène extraordinaire et que je m’aperçois subitement que ma carte mémoire est pleine ou corrompue, ou alors que ma batterie est vide. Je m’efforce alors de ranger mon appareil ou d’effacer des images.

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Si tu devais faire découvrir un photographe peut-être encore méconnu, et un seul, qui proposerais-tu?
Comme dans toute pratique artistique, la richesse et la diversité des regards font de la photographie une source inépuisable. Ainsi, je découvre sans cesse l’univers de nouveaux photographes et il m’est difficile de n’en citer qu’un(e) seul(e). J’aime beaucoup le travail de la polonaise Monika Bulaj. Un autre photographe qui me vient à l’esprit est Noel Masaki, un copain rencontré à Taïwan. Il utilise un petit appareil compact et cadre de manière intuitive. Ses images font découvrir une atmosphère asiatique et urbaine, spontanée et contrastée, des ambiances assez fascinantes pour un occidental. Inspiré par les photographes japonais Daido Moriyama et Takuma Nakahira, il arpente les rues de Taichung où il vit, ses écouteurs dans les oreilles et capture chaque scène se pré- sentant, pour autant qu’elle lui soit digne d’intérêt.

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Un dernier mot?
Je crois que ça ira, j’ai déjà bien parlé! Simplement, merci pour ton aimable attention.